La version des médias buzz sur le championnat de sexe
Selon ces médias, initialement prévu en Suède en 2023, le championnat s’est finalement déroulé en Espagne après une interruption due à des blessures et au dopage de certains candidats. Les participants sont généralement des acteurs de films pour adultes.
Lors du championnat européen de la sexualité, les concurrents s’affrontent dans 16 disciplines sur une période de six semaines. Chaque épreuve dure entre 45 minutes et une heure, et les participants peuvent concourir jusqu’à six heures par jour.
Les candidats sont évalués sur plusieurs critères, notamment la séduction, le massage des membres et des zones érogènes du corps, les préliminaires, le sexe oral, la pénétration, l’éjaculation ou la libération, l’apparence des organes génitaux, les différentes positions, la créativité dans le changement de position, l’augmentation de la pression sanguine et du rythme cardiaque, l’endurance et le nombre d’orgasmes pendant un temps donné, l’exécution artistique avec différents partenaires concurrents et l’alternance de poses, l’utilisation du Kamasutra, le couple le plus impliqué durant la compétition, et le rapport sexuel le plus artistique selon le jury et le public.
De plus, à chaque discipline, le jury attribue une note variant de 5 à 10. La première édition controversée a été remportée par la Croate Sweet Mery après avoir satisfait 50 hommes.
Une intox de grande envergure
Après plusieurs recherches votre média Lattaquant.com retrouve pourtant la génèse de cette histoire. En effet, il s’agirait d’une invention des réseaux sociaux. C’est ce qu’explique les investigateurs de RFI et AFP.
Selon AFP, début avril 2024, des internautes ont ainsi relayé des publications affirmant qu’une femme de nationalité ukrainienne aurait remporté “le premier championnat mondial de sexe“, déclenchant des commentaires critiques vis-à-vis de l’Ukraine, présenté comme un pays décadent. Mais grâce à une recherche par image inversée, l’AFP a pu retrouver la photo initiale et démontré que la gagnante de ce concours – non officiel – était en réalité suédoise.
“Une Ukrainienne remporte le championnat du monde de sexe !!! Est-ce que ce monde est sérieux ?? C’est à l’image de son président” : voici ce que relaient, depuis début avril, des internautes dans des publications Facebook et X (ex-Twitter).
Sur celles-ci, apparaît la photo d’une femme blonde portant un drapeau de couleur jaune et bleu, aux côtés d’un homme recouvert d’un drapeau rouge et vert.
Ils sont tous deux décrits comme “les champions du monde de sexe“, chacun ayant une sorte d’attestation pour le prouver.
“Le championnat du monde de sexe s’est tenu en Espagne (…) L’Ukrainienne a réussi à satisfaire 210 hommes, tandis que l’Italien a couché avec 41 femmes“, prétendent encore plusieurs messages en légende.
Ces publications sont particulièrement partagées par des comptes Facebook et X basés en France mais aussi en Afrique de l’Ouest. Elles ont été partagées plus de 2.000 fois sur Facebook depuis le 9 avril.
En commentaire, de très nombreux internautes en profitent pour féliciter la Russie de Vladimir Poutine, qui a lancé ses forces armées contre l’Ukraine fin février 2022. La rhétorique du Kremlin -massivement relayée sur les réseaux sociaux- consiste en effet à présenter le président russe comme un rempart contre les pays occidentaux, et l’Ukraine, dépeints comme “décadents”. Ce discours contribue à justifier l’attaque russe contre Kiev.
La même affirmation a été diffusée sur des sites connus pour leur contenu accrocheur, mais aussi dans d’autres langues et plateformes en anglais sur Instagram et en français, sur TikTok.
Cette allégation a été aussi publiée par le site pravda-en.com, en utilisant une photo retouchée avec le corps d’une femme et le visage du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Ce site en anglais appartient à un réseau “structuré et coordonné” de 193 sites diffusant de la propagande russe en Europe et aux Etats-Unis, selon Viginum, l’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères.
Suédoise et non ukrainienne
Grâce à une recherche à la fois par mots-clés et image inversée, l’AFP a retrouvé la photo sur le site d’une organisation appelée “Fédération suédoise du sexe”. “Nous sommes fiers d’annoncer les gagnants du premier championnat mondial de sexe 2024”, peut-on lire sur ce site. “Championne du sexe mondial dans la catégorie Femme : Nausi Love (Suède)”, indique un commentaire qui renvoie à un compte X.
Sur la photo originale et sur celle qui est partagée avec les fausses affirmations, on peut distinguer un drapeau bleu et jaune sur l’épaule de la jeune femme. Or le drapeau suédois et le drapeau ukrainien sont tous deux bleu et jaune. Mais la photo trompeuse a été recadrée, de sorte que l’on ne puisse pas reconnaître le drapeau suédois, composé d’une croix jaune sur fond bleu.
Des récits ciblant les Ukrainiens
Pour mieux comprendre ce qui se cache derrière ces publications, l’AFP a contacté par téléphone le 26 avril 2024, Milena Yakimova, maître de conférence en sociologie à l’Université de Sofia et membre de la Fondation des sciences humaines et sociales, un groupe de réflexion basé à Sofia qui surveille la propagande russe et anti-européenne.
“C’est quelque chose qui fait partie d’une stratégie plus globale, la propagande russe ayant échoué à faire basculer le peuple bulgare du côté pro-russe. Au début du temps fortde la guerre, non seulement la côte de popularitéde Poutine, mais aussi celle de la Russie ont pris un coup de fouet durable” en Bulgarie, a-t-elle déclaré à l‘AFP.
Comme “cette ruse de la dénazification de l‘Ukraine nazie n‘a pas abouti, un autre message est apparu”: “Ici, nous avons perdu la course avec l‘Occident, donc nous allons chercher du réconfort parce que les choses que nous voulions et aimions sont maintenant laides, décadentes, dégénérées et à travers cela, nous chercherons notre estime de nous-mêmes“. Le Kremlin justifie en effet l’invasion de son voisin en affirmant que l’Ukraine est acquise à l’idéologie néonazie, théorie ce que de nombreux experts ont rejeté.
Milena Yakimova a également indiqué que cette approche était valable pour des affirmations concernant les femmes ukrainiennes, avec un message mis en avant : “Dépravées, corrompues, elles sont ici pour voler nos hommes“.
L’AFP a auparavant vérifié des affirmations fausses de ce même type visant notamment Ioulia Navalnaïa, la veuve de l’opposant de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny mort en prison le 16 février 2024. Après son décès, des internautes ont accusé la quadragénaire d’être une “escorte politique”, utilisant une photo où elle s’affiche avec Evgueni Tchitchvarkine, un milliardaire russe de 49 ans, et le témoignage d’une femme se présentant comme son ancienne assistante.
Au sein de la rédaction de Lattaquant, nous ne le dirons jamais assez, il faut croiser l’information car les réseaux sociaux pilulent aujourd’hui de fausses rhétoriques.
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